Racheter une entreprise à la barre
En ce début d'année 2016, alors que nous avons ouvert notre premier magasin il y a quelques mois, Héloïse et moi avons appris la liquidation judiciaire d'un magasin Fujifilm du centre-ville.
Notre premier magasin était situé en périphérie, destiné une clientèle familiale fréquentant des centres commerciaux, ce deuxième magasin en cœur de ville est bien connu des personnes qui pratiquent la photographie argentique sur Lille. J'en étais d'ailleurs un client pour le noir et blanc, mais je préférai aller chez Phototime pour la couleur.
Rapidement, nous avons pris la décision de prendre attache avec le liquidateur pour comprendre le dossier et proposer une offre de reprise. Nous n'avions aucune idée de comment procéder mais notre comptable et notre banquier semblaient tout de même enthousiastes !
Nouveau niveau débloqué dans ma vie d'entrepreneur : racheter un fonds de commerce établi !
Après négociation, quelques aléas d'agenda, et des tentatives de préserver le matériel qui prenait l'eau du fait d'un local dégradé (pour faire simple : il pleuvait dans les machines), nous avons obtenu un jugement favorable du tribunal de commerce de Lille en juillet.
Dans quelques semaines, après de lourds travaux et un équipement de tirage photo remis à jour, nous allons ouvrir l'atelier Photolix ! Nous pouvons annoncer qu'un membre éminent de l'équipe nous accompagnera dans cette nouvelle aventure.
Du point de vue de l'entrepreneuriat, le tribunal de commerce fait peur. J'ai été satisfait de mon expérience avec le mandataire judiciaire chargé de la procédure et de l'écoute du juge pendant notre audience où nous avons exposé notre projet. J'avais choisi de me faire accompagner par un avocat.
Pour ceux qui pourraient être intéressés par la reprise d'un commerce en difficulté après sa liquidation, voici quelques détails :
- nous nous sommes engagés à maintenir un poste de technicien, à un salaire équivalent ou supérieur
- à renouveler l'ensemble des machines par un investissement cash de 100 000 € hors-taxes
- à payer le loyer, sans franchise, le propriétaire ayant eu un important impayé
Nous avons remporté cette affaire avec notre offre de 4 000 €. C'est peu. Mais c'est en réalité 100 + 4 + xx k€ à sortir en très peu de temps.
Il faut noter qu'il y avait un dossier concurrent déposée par un confrère, mais qui a été retiré quelques heures avant l'audience... J'imagine que c'était un moyen de faire pression, d'obtenir des informations sur notre offre, ou que le soutien bancaire a été difficile à obtenir...
Ouvrir un magasin en venant du tertiaire était une aventure. Mais mon expérience dans le logiciel s'est avérée payante : nous avons été capables de développer un système d'information sur-mesure, qui nous permet d'énormes gains de productivité.
Il s'agit d'une application Django assurant la traçabilité des travaux, de la prise de commande à la livraison. Car nous sommes dans un travail d'artisanat, avec de nombreuses étapes manuelles.Cela nous permet d'identifier les éventuels retards, qui sont nombreux quand on a moins d'équipiers et de postes de travail que d'étapes de traitement.
Nous allons maintenant tester ce système sur un deuxième magasin, avec ce nouveau métier qui est celui du laboratoire de photographie argentique. Clin d'œil à 1 hour photo ?
Cette reprise présente des défis spécifiques.
Nous partons avec une équipe qu'il faut séduire, qui a vécu un moment difficile psychologiquement avec la liquidation, et une clientèle qui a vu son magasin fermé du jour au lendemain. Nous allons devoir convaincre ces deux groupes, qui sont les deux variables clés de la réussite dans l'équation de la pérennisation d'une activité commerciale en centre ville.
Notre modèle d'affaires diffère de celui de notre boutique en centre commercial, car nous allons principalement nous baser sur la photographie argentique. Cela veut dire vendre de nombreuses références de pellicules avec une faible marge, en espérant obtenir en retour des commandes de développement et de tirage avec une marge plus importante.
Le nombre de pellicules couleur étant en train de se réduire, il y aura peut-être quelques difficultés sur l'approvisionnement ! Nous espérons développer une nouvelle chaîne d'achat avec des grossistes en dehors du pays, et en soutenant des nouveaux fabricants tels que les Berlinois d'Adox.
Nous prévoyons de dynamiser l'offre, notamment en proposant des numérisations de qualité honnête à un prix honnête, mais surtout avec une livraison rapide des fichiers par un lien Dropbox, par opposition au précédent exploitant qui remettait un CD.
Et aussi, de constituer une super équipe passionnée, qui sauront transmettre leur amour de la photographie !
J'espère arriver à un équilibre financier dans les 18 mois, et à rentabiliser les travaux et les nouvelles machines dans les cinq ans.